A.N./N.A. est une courte-forme basé sur un collage de textes écrits par Anaïs Nin et Nelly Arcan. Audrey Pepin et Geneviève Antonius-Boileau se sont lancées dans une exploration fantômatique du vêtement marionnettique, en collaboration avec Jean-Patrick Reysset aux percussions.
Ce tableau résolument féministe explore le rapport trouble au corps, à la séduction et à la maternité, thématiques très présentes chez les deux autrices, à travers le changement des époques et des moeurs.
A.N./N.A
Du 4 au 27 mars 2017, scènes de cabaret, Montréal
Photos: Jérémie Dubé-Lavigne
«...»
N : J’ai fini par grandir. J’en suis arrivée au point fatal où je pouvais voir mon visage dans les miroirs, du moins à partir du menton ; depuis ce jour-là je n’ai plus pu m’échapper, je me suis tombée dessus à chaque tournant.
A: C’est la maladie de l’amour et non son fruit. C’est seulement lorsqu’on a si bien masqué son moi, lorsqu’on a rendu son langage inintelligible, lorsque la solitude devient si dévorante, que l’on peut pénétrer quelqu’un avec son Double.
N : Dans cet univers sans limites, on pouvait vivre sans vivre et mourir à chaque seconde, tous les jours, on pouvait mourir à jamais. Il faut de la force pour se tailler les veines, pour se tuer il faut d'abord être vivant
A : « Ma drogue : recouvrir toutes choses d’un voile de fumée, déformer, transformer, comme le fait la nuit. Toute la matière doit ainsi être fondue pour passer à travers la lentille de mon vice, sinon la rouille de la vie réduira peu à peu mon souffle à un sanglot. La vérité est grossière et stérile (…) les hommes vouent une adoration éternelle à l’illusion.
N : Je croyais les miroirs dangereux comme des fioles de pilules déclarées hors de la portée des enfants dans les modes d’emploi. Tous les modes d’emploi sous-entendent que les enfants cherchent instinctivement à se tuer en avalant tout ce qui leur tombe sous la main ; il paraît qu’au début de la vie la mort passe par la bouche, il paraît qu’au début de la vie personne n’est sûr de vouloir vivre.
Anaïs Nin (1903-1977) est surtout connue pour ses journaux intimes, dans lesquels elle déploie sa vision du monde et analyse ses rencontres artistiques, amoureuses, et même ses débats avec son psychanalyste. Elle y décrit aussi une grossesse difficile, qu'elle n'a pas menée à terme.
On se souvient aussi de ses écrits érotiques dans lesquels elle aborde avec beaucoup d'audace (pour son époque) sa bisexualité, ses pratiques libertines et sa relation incestueuse avec son père.
Nelly Arcan (1973-2009) a elle aussi produit des écrits très proches de sa vie intime. Elle raconte en détail ses expériences dans le monde de la prostitution, ainsi que ses démêlées avec sa santé psychologique fragile. Ses récits autofictionnels traitent eux aussi d'une grossesse interrompue.
Ses dénonciations crues de la marchandisation des corps, de l'objectification des femmes et des impératifs patriarcaux ont marqué toute une génération de québécoises.